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Fragment de carte de la France

Newsletter #01

Publié le 20 février 2024

ÉDITO — J-15

Bonjour à tous,

On est ravis de vous présenter notre toute première newsletter ! Un format très court pour vous donner des nouvelles tous les 15 jours afin de parler de nos différents numéros, faire rayonner la culture d’anticipation au-delà de la revue, approfondir certaines recommandations, explorer de nouveaux horizons, et bien sûr, vous donner toutes les informations utiles sur FLAASH.

15 jours, c’est aussi le temps d’attente jusqu’au lancement du numéro 02. On s’est donc dit que le moment était idéal pour vous annoncer la signature de notre couverture par le renommé Mathieu Bablet, auteur de bande dessinée, lauréat 2021 du prix BD Fnac France Inter pour Carbone & Silicium. Et qui mieux que lui pour illustrer notre thème retenu pour ce numéro : les villes du futur.

Ce thème, nous l’abordons sous différents aspects : le numérique et l’IA, la géographie, l’architecture, la littérature et l’atmosphère. Pour vous y préparer, retrouvez en exclusivité une contribution d’ouverture par Thomas Arciszewski et Cynthia Bagousse, chercheurs en psychologie et fondateurs du collectif Esprit Futur. Cette dernière sera accessible uniquement dans notre newsletter. Alors n’attendez-plus et bonne lecture !

Ps : il paraît qu’on va aussi parler de climate fiction, d’IA et d’environnement, de transhumanisme, d’urbex, de ruines modernes, de neuvième art et de faim du monde...

La rédaction

FLAASH CULTURE — QUELQUES RECOMMANDATIONS

Plongez-vous en avant-première dans le thème des villes du futur et découvrez la sécheresse potentielle avec un livre, l’ère glaciaire dans une bande dessinée et le contrôle des villes en écoutant un podcast.

LIVRE — Les Raisins de la colère, John Steinbeck, 1939

BANDE DESSINÉE — Transperceneige, J. Lob et J-M. Rochette, 1982

PODCAST — The Santiago Boys, Evgeny Morozov, 2023

OUVERTURE — L'INVENTION DE LA VILLE DU FUTUR

La ville illimitée 

Les villes, de plus en plus grandes, titanesques, considérées comme des métapolis par Ascher en 1995, s’étirent verticalement, hérissées d’immeubles toujours plus hauts, tandis que les villes moyennes s’étalent horizontalement, sans fin. Au milieu de ces étirements et étalements, de la redondance ou du vide, pouvons-nous encore imaginer de vivre dans une ville plus que d’y habiter ? La science-fiction suppose, expose la destruction des lieux de vie de villes, mais aussi propose l’espoir de nouvelles urbanités. Regardons ce qu’elle a à nous dire.

Rupture de classe et futur de classe

La ville de Metropolis, ses ouvriers, son dictateur, son culte, l’espace clos fantasmatique de La Maison aux milles étages de Weiss, Les Monades Urbaines de Silverberg, ou encore l’immeuble de grande hauteur (I.G.H.) de Ballard et le Manhattan volant de James Blisch (Cities in Flight, 1970) exposent la séparation sociale comme lieu de la dystopie. Le cyberpunk tel que présenté dans le film Blade Runner, le jeu vidéo Cyberpunk 2077 ou la série Altered Carbon (2018) imaginent des villes verticales, hyperconnectées, dans lesquelles la hauteur est synonyme de pouvoir et les liens sociaux sont des câbles. 

La première rupture est alors celle des extrêmes sociaux : le peuple dans la fange bétonneuse et électrique d’une part, les privilégiés réfugiés dans leur nid d’aigle aux sommets des tours ou de mégastructures orbitales d’autre part. À l’instar du film Elysium (Neill Blomkamp, 2013), certains annoncent, selon Abbott, qu’« à l'avenir, la société d'abondance pourra survivre dans le confort avec l'aide de forces de sécurité privées qui protègent les centres-villes et les enclaves fermées ». Si l’imaginaire est largement focalisé sur les possibles technologiques et cyber, il est impossible, nous dit Abbott, de ne pas aussi penser aux inégalités et à la division. La réalité rejoint la fiction lorsque naissent, aujourd’hui, des zones urbaines closes, aux États-Unis comme dans d’autres pays, et que certains évoquent déjà l’utopie de ces villes privées (Glasze et al., 2004).

L’avènement de la bulle

Après la rupture de classe, celle du lieu de vie. Vivre demain, ce sera peut-être vivre enfermé dans des paradis individuels. Prendre part à la société deviendra un peu plus illusoire chaque jour, alors que se développe, par la magie de la technologie, la dissociation entre le lieu de travail et le travail lui-même. Sleep Dealer d’Alex Rivera (2008) montre ainsi des ouvriers mexicains travaillant sur des chantiers aux États-Unis en pilotant à distance des engins, tandis qu’Avatar (2009) de James Cameron imagine le pilotage à distance de corps biologiques. Ces villes imaginées pour demain prennent parfois la forme de villes banlieues sans fin, évoquées par Pohl et Kornbluth dans L’ère des gladiateurs : « Une maison-bulle était le signe de la réussite », ou celle de villes périphériques, à l’image du Banlieusard de Philip K. Dick (1953). La possibilité qui en découle, dystopique pour les uns, utopique pour d’autres, est l’avènement de lieu de vie meta-pavillonnaire. Elle est portée par la volonté de produire sa propre nourriture et le DIY du cyberpunk, tendances qui pourraient bien dessiner les contours d’un avenir dys-utopique, une déviation individualiste de l’utopie autonomiste face à notre besoin d’être ensemble et de construire un avenir. Preuve en est, l’atelier d’écriture mené par Cynthia Bagousse dans le cadre de sa thèse en design fiction. Il encourageait des participants à imaginer le futur dans un appartement dont il n’est pas nécessaire de sortir pour vivre (LifeCondo). Ces derniers y voyaient une fausse publicité pour un espace de vie futur duquel il n’était plus nécessaire de sortir, ni pour avoir de la nourriture, ni pour travailler, et pas plus pour faire des rencontres, le tout étant géré par un ensemble de dispositifs technologiques. Sans surprise, le futur décrit par les participants à partir de cette publicité était plutôt dystopique, un futur de solitude et même de mort, avec pourtant une étrange lueur utopique qui laissait entendre une petite voix intérieure, une petite bulle à soi, synonyme d’un « et pourquoi pas ».

Fictions urbaines participatives

La science-fiction peut aussi proposer et servir un récit commun grâce à un outil : le design fiction participatif. Par l’anticipation citoyenne de villes futures, il permet le récit de la communauté, propre à raconter une histoire qui permet à chacun de s’engager. Ces récits utopiques forment le tissu de l’action collective en donnant un but à atteindre et des espoirs à réaliser. Imaginer des espaces urbains différents, faire de la ville un espace piratable, se reposer sur des processus communautaires spéculatifs sont autant d’éléments qui redonnent du sens aux lieux et aux liens et qui prolongent les réflexions qui ont depuis longtemps émergé autour du tissu associatif ou des tiers-lieux. 

Le design-fiction participatif est une forme de pouvoir conjectural sur la ville, l’utilisation raisonnée d’un environnement science-fictionnel pour immerger les citoyens dans des propositions d’avenir, pour y mener une réflexion sur l’avenir, et pour participer aux changements. La science-fiction se glisse au cœur de la critique et du bouleversement urbain dans laquelle se rencontrent l’écologie, le social, le culturel, le politique, le travail comme les loisirs. 

Par Thomas Arciszewski et Cynthia Bagousse, chercheurs en psychologie et fondateurs du collectif Esprit Futur.

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