ÉDITO
Bonjour à tous,
Depuis fin juillet, nous vibrons, nous consommons et nous nous divertissons. Nous vibrons pour les athlètes des JO de Paris 2024, nous consommons du sport comme jamais et nous nous divertissons devant nos écrans ou en lisant nos supports papier sportifs préférés.
Pas de jalousie, au contraire. Les JO font de l’ombre à l’« actualité chaude », mais pas à nous ! Pourquoi ? FLAASH n’étant pas un journal, son contenu ne se démode pas et son « actualité froide » vous permettra de la lire sans contrainte de temps. Soyez donc rassurés, vous pouvez continuer à vous concentrer sur L’Équipe chaque jour et revenir à FLAASH plus tard.
Idem pour nos conversations d’été de cette newsletter qui vous amènent petit à petit sur le thème du numéro 04 : l’IA. Les plus curieux peuvent, pour notre plus grand bonheur, s’y mettre dès maintenant. Les plus sportifs ont, légitimement, le droit de procrastiner encore un peu.
Que vous fassiez semblant de travailler devant votre double écran avec les JO, que vous profitiez des belles journées ensoleillées pour entamer les bouquins achetés depuis des mois, que vous ayez besoin de vous instruire, ne pas déconnecter, de comprendre, que vous souhaitiez manger, prier, aimer IA (les fans de comédie romantique auront la référence), vous êtes à la bonne adresse.
Certains disent : « Venez comme vous êtes ». Chez nous, c’est plutôt : « Lisez comme vous êtes ».
Sportivement et littérairement vôtre,
La rédaction
FLAASH CULTURE — QUELQUES RECOMMANDATIONS
Besoin de rien, envie d’IA ? (C’est l’été, on n’arrête plus les références). Les reco à venir sont là pour ça ; chacune ayant été sélectionnée pour la démarche particulière qu’elle propose.
Besoin d’une démarche fictive ? Sans conteste, Neuromancien de William Gibson, l’un des pères du cyberpunk. Ce livre visionnaire vous plonge dans la matrice, dans un monde peuplé d’hackers, rempli d’implants neuronaux et dominé par des multinationales surpuissantes. Un livre où l’Internet est roi, avant que le World Wide Web ne soit inventé en 1989.
Besoin d’une démarche scientifique ? Quand la machine apprend de Yann Le Cun, chercheur en intelligence artificielle, Chief AI Scientist de Meta et lauréat du prix Turing 2018 pour l’ouvrage précédemment cité.
Besoin d’une démarche ludique ? Anti-manuel d’Intelligence artificielle, les nouvelles questions que pose l’IA de Vladimir Atlani et Victor Storchan. La sortie est prévue le 05 septembre prochain, mais vous pouvez d’ores et déjà découvrir une partie de son contenu en lisant notre conversation avec l’un des deux co-auteurs dans la suite de cette newsletter.
LIVRE — Neuromancien, William Gibson, 1984
LIVRE — Quand la machine apprend, Yann Le Cun, 2019
LIVRE — Anti-manuel d’Intelligence artificielle, Vladimir Atlani, Victor Storchan, (à paraître) 2024
CONVERSATIONS (2/3) — FLAASH x VLADIMIR ATLANI
1 — Vous avez écrit un anti-manuel de l’IA. Pourquoi ? N’est-ce pas plutôt un parfait manuel par votre approche du « comprendre pour mieux maîtriser » ?
Effectivement, le concept d’anti-manuel joue sur cette ambiguïté. D’un côté, le concept de manuel permet de repartir de zéro pour des gens qui ne connaîtraient rien à l’IA et auraient envie, enfin, de tout comprendre. Et ils ont raison à l’heure des grandes décisions : données privées, deepfake, remplacement des hommes sur le marché du travail, création artistique automatisée... De l’autre côté, le concept d’anti-manuel reflète le fait que l'on n’est pas ici dans un cours magistral. On a fait attention à venir apporter un côté ludique, avec des anecdotes, des exemples… La petite histoire derrière la grande !
2 — Parmi les exemples, il y a celui du prologue qui se nomme « Le combat du siècle », en référence au duel historique de 1997 entre Garry Kasparov, champion du monde d’échecs et Deep Blue, le logiciel d’IA de la société IBM. L’IA est-elle le combat, voire le mal du siècle ?
Le mal du siècle, certainement pas. D’abord parce que c’est un outil et qu’il suffit d’ouvrir les yeux pour voir toutes les applications positives. J’ai récemment croisé la route d’une application qui permet de monitorer et réduire les effets de la maladie de Parkinson. La question c’est plutôt comment appréhender cet outil de l’IA. Et c’est là que l’exemple de Deep Blue est intéressant. On parle d’un vrai combat de civilisation entre l’homme et la machine mais, plus loin dans le livre, on détaille une autre compétition, qui réunit cette fois des équipes constituées à la fois d’un homme et d’une machine. Qui gagne ? Ni celle qui a la machine la plus élaborée, ni celle qui a l’homme le plus doué. L’équipe gagnante est celle qui a la meilleure interface entre les deux, celle qui permet à chacun de jouer son rôle : l’homme dans son intuition, la machine dans sa puissance de calcul. On passe du combat à la collaboration, de la supplémentarité à la complémentarité.
3 — Ce qui fait écho à une interrogation, voire une peur, qui revient souvent dans tout le livre : celle du remplacement. Vous rappelez la théorie de Joseph Schumpeter où le progrès technologique est à la fois destructeur d’emplois et créateur de nouveaux métiers avec les rapports 2023 de Goldman Sachs et McKinsey prévoyant le remplacement de 300 millions d’emplois par l’IA dans un avenir proche, soit un quart de l’activité mondiale. Si l’on suit la théorie, 300 millions d’emplois pourraient-ils vraiment être créés grâce à l’IA ?
On est en train de vivre une révolution technologique extraordinaire. C’est à la fois une très grande chance et une immense responsabilité, car c’est à nous de la réglementer. À ce stade, Schumpeter appartient à l’ordre de la prophétie, de la croyance. Pour le comprendre, il suffit de se projeter en arrière. Quand on invente l’imprimerie, on tue toute une industrie de copistes mais on ne se rend pas compte que l’on entre dans l’ère de l’information. Qui aurait pu prévoir cela à l’époque ? Personne. Bien malin est celui qui aujourd’hui peut annoncer avec certitude quels seront les nouveaux emplois créés. Il faut rester très modeste. Les grands optimistes continueront de soutenir les théories schumpeteriennes, les pessimistes auront sans doute plus de mal.
4 — Après la théorie, la pratique. Pensez-vous comme le Dr. Paul Parizel que vous citez qu’elle sera au service ou en complémentarité du médecin, et non en remplacement de ce dernier ?
La vérité est sans doute entre les deux. Il est certain que dans quelques temps, l’efficacité redoutable de la machine sur la partie diagnostic, notamment visuel, sera clairement établie et que la demande du patient s’orientera vers ce diagnostic-là. On parle de tâches systématisables. Mais il est aussi certain que le soin revêt une dimension humaine. Toutes les études prouvent que la compassion et l’interpersonnel jouent un rôle dans la guérison. On parle ici de tâches non systématisables. Entre les deux, il y a un continuum d’activités médicales qui, aujourd’hui gérées par l’homme, pourront l’être demain par la machine.
5 — « L’homme, dans son activité la plus créatrice est devenu imitable, prédictible, reproductible », mais à jamais « remplaçable » donc ?
Pourquoi pas. En tant qu’enseignant à Sciences Po, il y a encore trois ans, je disais à mes élèves qu’il y avait trois piliers considérés comme les moins remplaçables : l’interpersonnel, le manuel et l’activité créative. Entre temps, sont sorties les IA génératives. Le troisième pilier est en train de tomber, si ce n’est pas déjà le cas. L’homme, dans son activité de production artistique, est déjà en partie remplaçable par la machine. Mais une IA aurait-elle pu produire Les Demoiselles d’Avignon de Picasso pour autant ? Probablement pas. Le changement total n’est pas encore là. […]
La suite et fin de cette conversation d’été est à retrouver dans la prochaine newsletter mardi 20 août.
Conversation avec Vladimir Atlani, maître de conférence sur les sujets IA à Sciences Po, enseignant à HEC et Polytechnique. Co-auteur d’Anti-manuel d’Intelligence Artificielle, les nouvelles questions que pose l’IA.