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Fragment de carte de la France

Newsletter #14

Publié le 20 août 2024

ÉDITO

Bonjour à tous,

Petite pause entre les Jeux olympiques de Paris 2024 et les paralympiques qui débuteront le 28 août prochain. Petite pause avant de soutenir les para-athlètes et de porter à nouveau les couleurs de votre nation.

C’est donc le moment idéal pour démarrer, continuer ou terminer votre FLAASH, quelle que soit sa couleur.

Vous êtes plutôt bleu ? Retrouvez notre numéro en cours sur notre site, en librairie, et jusqu’au 3 septembre en presse, avant qu’il ne laisse la place au suivant.

Vous préférez le vert ? Lisez donc notre précédent numéro, par envie, par manque de temps, par découverte tardive…

Vous ne jurez que par le rouge ? C’est le collector, le tout premier de l’aventure qui continue, comme tous les anciens numéros, d’être vendu à tarif préférentiel sur notre boutique.

Vous n’avez pas encore votre couleur préférée ? Ça tombe bien, une nouvelle arrive dans 15 jours… Et il paraît qu’elle sera elle aussi olympique, à l’image des trois premiers anneaux déjà mis en valeur par FLAASH.  

Sportivement et littérairement vôtre,

La rédaction

FLAASH CULTURE — QUELQUES RECOMMANDATIONS

Suite et fin de notre saga « Besoin de rien, envie d’IA ? » pour aborder le sujet de l’intelligence artificielle sous le prisme littéraire. À chaque lecteur sa démarche.

Besoin d’une démarche artistique ? La nouvelle « YFL-500 » de Robert Charles Wilson, présentée par Julien Amic dans le prochain numéro de FLAASH : « L’IA n’est pas évoquée dans le texte, mais l’utilisation d’un outil de ce type par l’artiste semble implicite et se rapproche de l’usage qu’en font de nos jours les créateurs convertis aux algorithmes génératifs. »

Besoin d’une démarche rationnelle ? L’intelligence artificielle n’existe pas de Dr Luc Julia, ingénieur français spécialisé dans l’IA et cocréateur de l’assistant vocal Siri. Pour lui, le terme d’IA au singulier n’est pas adapté. Il ne faut pas parler d’une seule forme d’intelligence artificielle, mais de plein de types d’IA aux fonctionnalités différentes et dans des domaines variés.

Besoin d’une démarche académique ? L’homme augmenté. Futurs de nos cerveaux de Raphaël Gaillard. Un roman-essai qui confronte Homo sapiens et la machine dans une fresque à la frontière entre la science, l’histoire et la littérature.

NOUVELLE — « YFL-500 », Robert Charles Wilson, 2007

LIVRE — L’intelligence artificielle n’existe pas, Dr Luc Julia, 2019

LIVRE — L’homme augmenté. Futurs de nos cerveaux, Raphaël Gaillard, 2024

CONVERSATIONS (3/3) — FLAASH x VLADIMIR ATLANI

6 — À propos du changement, vous expliquez que les machines existent depuis la nuit des temps, mais que notre manière de leur parler a changé. Dans le futur, est-ce les machines qui nous parleront ?

C’est intéressant car effectivement, les machines qui peuvent penser existent depuis longtemps. Les premières versions de la calculette datent du XVIIe siècle par exemple, et que dire des machines du quotidien telle la machine à laver qui imitent le cerveau humain. Ce qui a changé, c’est qu’on ne donne plus de consignes claires à la machine, on lui donne des centaines et des milliers d’exemples. C’est à partir de ces derniers que la machine se met à prendre des décisions. Cette nouvelle manière de communiquer permet justement à la machine de capter ce qu’elle ne captait pas jusqu’alors : de l’intuition, de l’expérience humaine, de la sensibilité, pour la reproduire de son côté. Vont-elles pouvoir nous parler ? Elles le font déjà !

7 — On dit pourtant qu’il y a un élément que l’IA ne pourra jamais avoir, c’est cette question de sensibilité ou de sentiment justement.

Bien sûr, mais au-delà de ce qu’elle communique, c’est ce qu’elle pense derrière. Est-elle sensible ? Est-elle consciente ? Les partisans de l’IA pensent que la machine va prendre conscience d’elle-même. Ce n’est pas ma croyance. Pour autant, là n'est pas l'important. C’est le test de Turing qui le dit. Une machine devient quasiment humaine non pas dès lors qu’elle a acquis une forme de sensibilité, car on ne le saura jamais, mais dès lors qu’elle arrive à tromper son monde sur sa capacité à avoir de la sensibilité et de la conscience. Discuter avec un être humain et faire preuve de sensibilité au point de le tromper sur sa propre nature, cela suffit à Turing pour la faire basculer du côté de l'humain. Et après tout, sommes-nous capables de quantifier le degré de sensibilité chez les humains ? Peu importe si les IA ont vraiment de la sensibilité et de la conscience, aujourd’hui elles nous le font croire et c’est ce qui les rend si humaines.

8 — Est-elle alors consciente de son empreinte carbone ? Je reprends un chiffre marquant : « En 2024, le AI Index de l’université de Stanford rapportait que l’entraînement du modèle Llama 2-70B de Meta a rejeté environ 291,2 tonnes de carbone, soit près de 291 fois plus que les émissions d’un voyageur effectuant un vol aller-retour entre New York et San Francisco. » Est-ce l’empreinte carbone de l’avion qu’il faut dénoncer, ou celle de l’IA ?

Oui, l’empreinte carbone de l’IA est très forte et elle continuera de l’être à mesure que nous l’utilisons toujours davantage. Et en même temps, les IA sont plus efficaces et plus puissantes, donc nécessitent moins d’entraînement. Google a annoncé avoir atteint la neutralité carbone, difficile à vérifier. Dans tous les cas, il faut que l’IA soit de plus en plus verte et cela appartient aux décideurs publics de faire pression sur les grands organismes de l’IA, tant elle va prendre une place croissante dans nos vies.

9 — Prendre de plus en plus de place dans nos vies, mais pour tout le monde ? Le progrès technologique en général, et l’IA en particulier, vont-ils renforcer l’écart entre les jeunes publics et le troisième âge ?

Le progrès technique crée des inégalités par essence, mais il y a différents types d’inégalités : celles d’ordre générationnel et celles d’ordre économique. Pour les premières inégalités, le développement de l’IA va réduire certaines inégalités dans le sens où le concept même de l’IA est l’amélioration de l’interface. Mais il restera toujours un gap générationnel entre ceux qui la maîtrisent et ceux qui ne la maîtrisent pas, autrement dit, entre ceux dont les activités sont complémentaires de l’IA et ceux dont elles sont supplémentaires. Quant aux deuxièmes inégalités, à l’époque, on disait que le progrès technique venait en permanence désavantager les personnes les plus précaires et les moins formées. La nouveauté avec l’IA, c’est qu’elle arrête cette distinction-là. Elle ne fait plus la différence entre les métiers qualifiés et non qualifiés, mais entre les formes systématiques et non systématiques de travail. Comprenez : entre les médecins, les avocats et les comptables d’un côté, menacés sur certaines tâches, et entre les plombiers, les maçons et les coiffeurs de l’autre, qui ont encore de beaux jours devant eux. 

10 — ​​On parle beaucoup de cas d’usage pour les générations les plus âgées : robots compagnons, IA conversationnelles… Mais y a-t-il pour autant une partie de la population qui serait trop en retard pour rattraper le saut technologique et accepter ces nouvelles formes d’aide ?

C’est une bonne question. Ce qui est certain, c’est qu’il y a des gens aujourd’hui qui travaillent au quotidien pour rendre les technologies accessibles à tous, notamment aux générations les plus âgées. Les robots compagnons sont un très bon exemple, les IA conversationnelles aussi. Vous êtes une personne seule, l’assistant Alexa peut vous appeler les secours en un temps record. Tout est fait pour ne laisser personne de côté. Mais vous trouverez toujours des réfractaires, comme dans tout sujet, technologique ou non.

11 — Finalement, l’IA n’est-elle pas le meilleur exemple de la fiction qui rejoint la réalité ?

Tout à fait, on a même consacré tout un chapitre là-dessus ! Savoir distinguer réalité et fiction est devenu très difficile à l’ère de l’IA et des fake news.

Le début de cette conversation d’été est à retrouver dans la précédente newsletter, disponible sur www.flaash.fr.

Conversation avec Vladimir Atlani, maître de conférence sur les sujets IA à Sciences Po, enseignant à HEC et Polytechnique. Co-auteur d’Anti-manuel d’Intelligence Artificielle, les nouvelles questions que pose l’IA.

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