ÉDITO
Aujourd’hui ce n’est pas « Quand la réalité rejoint la fiction », mais plutôt « Quand l’actualité rejoint la fiction ». Deux raisons à cela :
D’une part, la lecture. La semaine dernière était marquée par la grande actualité littéraire de chaque fin d’année : l’attribution du prix Goncourt (Houris de Kamel Daoud aux éditions Gallimard) et du prix Renaudot (Jacaranda de Gaël Faye aux éditions Grasset), deux récompenses prestigieuses souvent mises à l’honneur dans FLAASH. L’occasion pour nous de vous proposer une sélection exclusive des anciens prix Goncourt dans la rubrique « FLAASH culture ».
D’autre part, le cinéma. Mercredi dernier, le film « Here » sortait en salle et réunissait pour la première fois toute l’équipe du célèbre Forrest Gump. Quel lien avec FLAASH ? L’IA dans le monde du star-system bien sûr, un thème abordé il y a un an déjà par l’un de nos contributeurs, Nicolas Gaudemet, également invité du 13h de France 2 pour l’occasion. Pour voir l’extrait vidéo, ça se passe ici. Et pour comprendre le sujet, lisez la rubrique « Approfondissement ».
En somme, une newsletter, deux actualités détaillées dans deux rubriques, et un édito pour les présenter, tel est l’objectif de cette nouvelle lettre d’information de FLAASH.
Bonne lecture !
La rédaction
FLAASH CULTURE
Quelques recommandations pour faire rayonner la culture d’anticipation (mais pas que).
Inutile (ou pas) de vous rappeler la lecture indispensable des livres de nos précédents invités lauréats : Panorama de Lilia Hassaine (prix Renaudot des Lycéens 2023 aux éditions Gallimard), L’Anomalie d’Hervé Le Tellier (prix Goncourt 2020 aux éditions Gallimard), ou encore Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu (prix Goncourt 2018 aux éditions Actes Sud). Une adaptation cinématographique de ce dernier sort le 04 décembre prochain, même jour que notre numéro 05 sur les pénuries.
Utile (on l’espère) de vous proposer une sélection plus personnelle des prix Goncourt qui ont marqué les esprits de la rédaction. Une liste de six ouvrages, présentés en deux parties, qui n’ont pas toujours un lien avec l’anticipation, mais qui parlent souvent de mémoire. Et pour construire le futur, il faut aussi et avant tout regarder le passé. [Se] souvenir [pour ne pas] recommencer, des verbes souvent mis à l’épreuve ces temps-ci…
Commençons avec Les Racines du ciel (1956), un livre magnifique de Romain Gary, souvent dans l’ombre du célèbre La Promesse de l’aube (1960), et pourtant si puissant. Il est question de parcours, de destins, de préservation de la nature et d’indépendance dans l’Afrique coloniale du milieu du XXe siècle.
Continuons avec La plus secrète mémoire des hommes (2021) de Mohamed Mbougar Sarr, où la quête du « Rimbaud nègre ». Un roman qui mêle tragédies coloniales, Shoah et espoir, une oeuvre dont le style d’écriture, parfois élitiste, est une prouesse en soi. Le titre du livre de Jorge Semprún pourrait d’ailleurs en résumer son contenu : L’Écriture ou la vie (1994).
Finissons avec Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon (2019) de Jean-Paul Dubois, un prix Goncourt drôle et accessible pour aborder la question de l’injustice. Sans savoir pourquoi, vous chercherez vous-même à comprendre Paul Hansen, personnage principal de l’histoire. Si vous n’avez jamais osé lire un prix Goncourt, celui-ci vous convaincra sans nul doute.
LIVRE — Les Racines du ciel, Romain Gary, 1956 (Gallimard)
LIVRE — La plus secrète mémoire des hommes, Mohamed Mbougar Sarr, 2021 (Ed Philippe Rey/Jimsaan)
LIVRE — Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon, Jean-Paul Dubois, 2019 (Éditions Olivier)
APPROFONDISSEMENT
L’utilisation de l’IA dans le film « Here » soulève autant d’attentes que d’interrogations mises en avant sur France 2 et déjà explorées dans le premier numéro de FLAASH, à travers une chronique de Nicolas Gaudemet, auteur et spécialiste de l’IA, notamment de son impact sur les industries créatives.
Les acteurs ont été rajeunis par l’IA de Metaphysic, dont le slogan n’est pas juste marketing : « We create impossible » [nous réalisons l’impossible] ;
La Creative American Agency négocie des droits IA pour ses talents, tandis que des accords entre producteurs et syndicats d’acteurs prévoient de les rémunérer pour l’utilisation de leur double IA, voire de mélanger l’IA de plusieurs acteurs réels ;
Tom Hanks a lui-même déclaré qu’il aimerait tourner des films après sa mort.
Dès lors, quel impact sur le star-system ? Tournera-t-on encore des films avec Julia Roberts, Tom Cruise ou Tom Hanks dans 200 ans ? À quel avenir sont promis les nouveaux talents ? L’industrie va-t-elle complètement changer ? « Comment l’humanité [va-t-elle] gérer la peur de l’âge et de l’oubli ? » (pour reprendre la question de Nicolas Gaudemet dans « Dreamin’ with the Stars »).
Mais au delà des interrogations liées aux acteurs de cette évolution (ceux oeuvrant pour le progrès technologique et ceux tournant dans des films), en a-t-on envie en tant que spectateur ? Souhaitons-nous avoir des acteurs décédés dans des films grâce à l’IA ? Cette question, nous vous l’avons posée sur les réseaux sociaux la semaine dernière. Résultat sans appel :
— 59 % sont contre et estiment que c’est toujours plus what the fuck ;
— 37 % se disent favorables dans certaines conditions ;
— 4 % sont pour, car on n’arrête pas le progrès.
La marche semble donc encore longue avant que les spectateurs n’y trouvent leur compte. À moins que le 7e art n’impose ses règles (ou se les fasse imposer). Quand on voit les gains financiers potentiels que cela pourrait représenter (cachets des acteurs), nul doute que les étoiles d’Hollywood Boulevard ne seraient potentiellement plus les seules éternelles…