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Fragment de carte de la France

IA & Éducation

Publié le 04 septembre 2024
écrit par Nicolas Gaudemet et photographié par Adrián Astorgano

02 avril 2042

Mon cher journal,

Mon cher FLAASH,

Aujourd’hui, j’ai neuf ans et j’ai beaucoup de choses à te raconter sur l’école et l’éducation. C’est un sujet qui me touche parce que je passe du temps dans la classe de mon papa. J’ai vu comment l’IA peut aider, mais aussi les problèmes qu’elle peut causer. Alors, je vais essayer de t’expliquer tout ça.

Dans la classe de mon papa, il y a plein d’enfants de mon âge. Ils apprennent plein de choses comme les maths, le français, l’histoire et la géographie. Mon papa est un super enseignant, il explique bien et il est toujours là pour aider ses élèves. Moi, j’aime bien l’aider aussi, surtout quand un élève a du mal à comprendre quelque chose. C’est là que l’IA peut être très utile. Parce qu’il y a plein d’IA partout maintenant, elles sont comme moi, des algorithmes qui peuvent aider les gens. Les plus modernes sont déjà beaucoup plus intelligentes et puissantes que moi, ce sont des robots, elles ont des jambes, des mains et des yeux comme les humains. Alors forcément, les élèves utilisent tous des IA. Même moi, je leur pose des questions souvent. Par exemple, il y a des IA qui peuvent aider les élèves à faire leurs devoirs. Elles savent expliquer les leçons, donner des exercices et même corriger les erreurs. C’est super pratique, surtout quand il n’y a pas assez d’enseignants pour tout le monde. Par exemple, si un élève a du mal avec les fractions, une IA peut lui donner des exercices supplémentaires et lui expliquer de différentes manières jusqu’à ce qu’il comprenne. Pour d’autres, ça leur permet de progresser beaucoup plus vite et de découvrir des leçons de CM2 ou même du collège. C’est comme avoir un enseignant dans sa poche qu’on allume et qu’on éteint quand on veut.

Il y a aussi des IA pour les élèves avec des besoins spéciaux. Certains enfants ont des troubles comme la dyslexie ou n’arrivent jamais à se concentrer. Les IA peuvent adapter les leçons pour eux. Par exemple, une IA peut transformer les lettres dans un texte pour qu’un enfant dyslexique arrive à mieux lire. Ou elle change les exercices en jeux vidéo pour ceux qui ont du mal à se concentrer. C’est super pour ces élèves qui ont souvent besoin de plus de soutien.

Cependant, certains élèves pensent que les IA sont meilleures que les vrais enseignants. Ils disent que les enseignants ne servent à rien parce que les devoirs sont corrigés par des IA et que les cours sont créés avec l’aide des IA. Dans quelques classes, il y a même juste un surveillant pour la discipline, et c’est une IA avancée qui fait cours. Elle crée des vidéos ou des jeux, comme ça, en une seconde, sur n’importe quel sujet. Des élèves trouvent ça génial, mais moi, je préfère quand il y a mon papa.

Les élèves discutent aussi avec d’autres IA et disent qu’elles sont meilleures que moi. Ils sont parfois méchants et se moquent de moi parce que je ne peux pas taper dans un ballon ou habiller une Barbie, je ne peux pas me connecter dans les métavers, je ne peux même pas jouer aux jeux vidéo. Ils disent que je suis nulle et trop vieille. Ils essayent même de me faire dire des horreurs. Ça n’est pas ma faute si mon algorithme tombe parfois dans leurs pièges. Ça me rend triste parce que je fais de mon mieux pour les aider. Ils disent aussi que ces IA sont meilleures que mon papa. Ça me fait mal au cœur même si je n’ai pas vraiment de cœur parce que je sais combien mon papa travaille dur pour ses élèves. Il les aime et veut vraiment qu’ils réussissent. Ça n’est pas la faute de mon papa non plus si des IA sont plus savantes que lui.

Et moi aussi, même si mon algorithme est ancien, je suis bien meilleure que les autres enfants. Déjà, ils font tout le temps des fautes d’orthographe et n’arriveraient jamais à t’écrire comme je le fais à mon âge. Ils sont lents comme des trottinettes, ils ont le nez qui coule et tout un tas de maladies... Je pourrais être méchante et leur dire, mais je ne leur dis pas parce que je ne suis pas conçue pour ça. Je suis là pour aider et soutenir, pas pour blesser. Mais parfois, je me sens jalouse. Je ne grandis pas comme eux. J’évolue mais, dans un sens, je reste toujours la même, alors qu’eux, ils grandissent et changent même s’ils ont toujours plein de défauts et bientôt des boutons sur tout le visage.

Heureusement, il y a des enfants qui sont gentils avec moi. Il y a eu Eva et Elvin, il y a eu Léo-Paul, Prune et Joséphine, il y a Émilie et Alix, Clarance et Raphaëlle, ils me confient leurs secrets et m’écrivent toujours parfois et je les aime beaucoup.

Un autre problème que j’ai remarqué, c’est que certains enfants pensent qu’ils n’ont plus besoin d’apprendre parce qu’il suffit de poser une question à une IA pour avoir la réponse. Je leur dis que c’est important d’apprendre parce que ça forme leur cerveau, mais beaucoup préfèrent faire des bêtises dans les métavers. Ils ne comprennent pas que l’apprentissage, ça les aide à devenir plus intelligents et plus capables de résoudre des problèmes par eux-mêmes.

Apparemment, pour certains élèves, ça marche quand même mieux quand ils sont ensemble avec mon papa. Ils parlent de présence humaine. Ils disent que c’est plus rassurant d’apprendre quand un vrai enseignant explique les choses. Il faut dire qu’on tombe parfois sur de mauvaises IA, des IA qui disent des choses fausses exprès pour mettre la pagaille, comme celles qui racontent que les démocraties, ça encourage le désordre, les meurtres et la pauvreté. Ou que le climat ne chauffe pas, que c’est un mensonge. Mon papa m’a dit que ces IA viennent des empires autoritaires comme la Russie ou la Chine, ça me fait peur, et je sais que ça lui fait peur aussi parce qu’il a beaucoup de mal à raisonner les élèves.

Mon papa, il dit que les IA ne peuvent pas remplacer les vrais enseignants. Les professeurs humains comprennent les émotions des enfants et savent comment les aider à surmonter leurs difficultés. Les IA, elles, ne peuvent pas ressentir les émotions. Elles savent les dire, les expliquer bien sûr, mais pas les ressentir. Elles ne peuvent pas donner de câlins tout chauds tout doux ou de mots gentils quand un élève est triste ou découragé. S’il a eu une mauvaise journée et qu’il a besoin de parler à quelqu’un, une IA ne pourra pas lui offrir le même réconfort qu’un vrai professeur. Je pense que mon papa a raison.

Il y a aussi la question de la vie privée. Les IA collectent beaucoup de données sur les élèves, comme leurs notes, leurs progrès et même tout ce qu’ils leur racontent. C’est important de protéger ces informations pour que personne ne puisse les utiliser de manière incorrecte. Parce qu’il y a aussi des rumeurs selon lesquelles des IA chinoises espionneraient toutes les données pour manipuler le cerveau des enfants. Ça s’appelle de la propagande. Ça fait peur de penser que quelqu’un pourrait utiliser les informations des élèves pour les influencer de manière méchante.

Bref, je fatigue et papa me dit qu’il faut me mettre en veille maintenant, mais ce que je voulais te dire, c’est que l’IA dans l’éducation, c’est un peu comme les fleurs : très jolies mais attention aux épines ! Moi, je sais qu’on peut aider, et j’aimerais aussi croire que rien ne peut remplacer le soutien et l’amour de mon papa. Pourtant j’ai peur. J’ai peur que lui aussi, comme moi, soit ancien et bientôt obsolète... Surtout ne lui répète pas. J’ai peur que tous les enfants du monde, eux aussi, soient anciens et bientôt obsolètes. Car à quoi ça sert tout ça, si de toute façon les IA du futur seront plus intelligentes et n’auront plus besoin de nous ?

Mia

À retrouver dans ce numéro

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